Vendredi dernier, le monde médical s’est mobilisé afin de protester contre certaines mesures contenues dans la loi Santé, et en particulier la généralisation du tiers-payant.

Tout d’abord, en réponse à l’appel de l'ensemble des syndicats de médecins libéraux (CSMF, MG France, FMF, SML, Bloc), une importante majorité de médecins a décidé de fermer leurs cabinets.
SOS Médecins, des syndicats d’autres professions libérales de médecine et de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), des spécialistes : gynécologues, dentistes, chirurgiens, tout comme des infirmières libérales et des professions paramédicales se sont associés aux protestations.
Ainsi, dans les cliniques, des opérations ont été déprogrammées,
"Nous avons simplement maintenu les activités pour les patients qui sont hospitalisés", explique le Dr Éric Bruguière, radiologue à la clinique Pasteur à Toulouse. A Lyon, les urgences ont récupéré des patients qui n'étaient pas toujours au courant du mouvement, à tel point que la fréquentation du service a doublé vendredi.
Dès vendredi matin, la grève s’est faîte ressentir avec d’importantes opérations escargots, qui ont notamment perturbés la circulation dans la métropole lilloise, mais aussi sur le périphérique parisien.
La CSMF s’est félicitée de l'ampleur inégalée du mouvement de fermeture de cabinets des médecins libéraux, tant généralistes que spécialistes.
Déclaration du vendredi 13 novembre :
"A 15 heures, 3 cabinets sur 4 sont fermés et la participation s'élève même à plus de 80% en Lorraine et Poitou Charentes, 93% dans le département de la Saône, 95% en Mayenne et 98% à Toulouse, etc. Deux tiers des cliniques et hôpitaux privés sont paralysés par la grève", explique le principal syndicat de médecins.
Que redoutent les professionnels ?
- Certains ont dénoncé une " soviétisation " de la santé libérale, les patients n'ayant plus à payer leur consultation.
- D’autres craignent une perte de leur liberté
- La majorité redoute, elle, les conséquences administratives du tiers-payant, à savoir une augmentation de la paperasserie. Car si la CNAM devrait rembourser de façon fluide les professionnels, ceux-ci redoutent des longueurs du côté des mutuelles.
En réponse à ces inquiétudes, la ministre de la santé, Marisol Touraine se veut rassurante, elle déclare sur l’antenne de RMC-BFM :
" C'est une mesure de justice, une mesure de simplification. C'est moins de paperasse. C'est une mesure qui apparaîtra progressivement comme une évidence ", consciente qu'elle
"cristallisait les inquiétudes des médecins".
Elle a aussi rappelé avoir introduit
"toute une série de garanties dans la loi pour tenir compte des préoccupations des médecins, notamment une garantie de paiement en moins de sept jours".
La profession ne semble pourtant pas être satisfaite ni rassurée par les réponses apportées par la ministre qui poursuit son chemin de croix malgré des protestations qui se prolongent depuis la présentation de cette loi.
Et le fait que la publication du rapport technique de l'Assurance maladie et des complémentaires santés contenant des solutions techniques de mise en œuvre, ont pris
"un peu de retard " comme l’a reconnu la ministre, rassurent encore moins le corps médical.
Même le discret Conseil national de l'Ordre des médecins est monté au créneau:
" Depuis plusieurs mois, l'Ordre des médecins alerte les pouvoirs publics sur l'exaspération de la profession. Cette inquiétude profonde des médecins sur leurs conditions d'exercice, leur indépendance, sur la reconnaissance de leur rôle dans le système de soins, sur la territorialité, ne date pas d'hier et touche l'ensemble de la profession dans la diversité de ses exercices et statuts ", précise l'Ordre dans un communiqué.
Et pourtant, la protestation des médecins devrait difficilement trouver un dénouement satisfaisant, surtout dans le cadre des évènements tragiques qui ont touchés vendredi soir la capitale.
En effet, comme ils l’avaient décidé en janvier lors des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, l’ensemble des syndicats ont envoyés un communiqué commun au petit matin à l’ensemble de la profession :
«Les syndicats médicaux libéraux appellent l'ensemble des médecins à cesser immédiatement toute action de grève des soins dans l'ensemble du pays» Jean-Paul Hamon, président de la FMF, à l'unisson de ses homologues, a ajouté :
«Les événements dramatiques qui frappent la France imposent aux médecins libéraux de suspendre immédiatement leur mouvement de blocage sanitaire».
Une décision qui est apparue comme évidence pour l’ensemble de la profession qui s’est retrouvée particulièrement touchée par les événements :
«La solidarité des médecins libéraux avec les pouvoirs publics, la population, les autres soignants, et en particulier leurs collègues hospitaliers, est totale», ont déclaré les représentants des praticiens libéraux.
De plus, la Loi santé fait aujourd’hui son retour à l’Assemblée Nationale. Les députés doivent étudier le texte en deuxième lecture. Seulement, dans le contexte d’état d’urgence mis en place par François Hollande et dans un soucis de respect du deuil national que subit le pays, la profession ne pourra se rassembler et continuer de protester contre cette loi santé qui les préoccupent.
MISE A JOUR : Sur demande du groupe Les Républicains, l'examen de la Loi santé est repoussé à jeudi par "respect pour les professionnels de santé à la suite des attentats.