La crainte du « big one », ce sinistre de responsabilité civile d‘une ampleur inédite qui mettrait à mal tous les équilibres techniques et financiers rôde ici ou là. Les observateurs les plus pessimistes parlent de la nécessité de se préparer à repenser les systèmes d’indemnisation actuellement en vigueur. Pour autant, le pire n’est jamais sûr et, jusqu’à présent, ces systèmes d’indemnisation ont toujours fonctionné.

Par essence même et plus que tout autre, le risque de responsabilité civile se mesure difficilement. Dans l’art du soin comme ailleurs, la gravité d’un accident n’est pas toujours corrélée à l’aune de la gravité de la faute commise. Si un geste thérapeutique considéré comme anodin peut avoir de graves conséquences, c’est donc qu’il n’y a pas de geste thérapeutique anodin.
Puis vient le temps de l’indemnisation du préjudice subi par la victime. Comment opérer et pour quel montant ?
Les juridictions de notre pays – en cela, elles appliquent le droit – sont souvent perçues comme généreuses, comparées à d’autres, tant au niveau de la diversité des chefs de préjudice pris en compte qu’au niveau du montant de la prestation versée à la victime.
Il est vrai qu’en France, mais aussi ailleurs, la tendance est à l’augmentation du niveau des indemnisations. C’est un bienfait pour la victime. Cela représente aussi un coût important.
Dès lors, ils sont quelques-uns, penseurs, économistes, juristes à craindre ou pire, à augurer d’une sorte de « big one », LE sinistre de responsabilité civile (médical, industriel…) qui, de par son ampleur ou son caractère sériel, en viendrait à mettre à bas tout l’édifice financier, technique et juridique savamment mis en place afin de pallier, au moins en partie, les conséquences de l’accident.
Et les mêmes de préconiser, soit une socialisation de la responsabilité civile (l’Etat serait l’assureur), soit une limitation de l’indemnisation du préjudice à hauteur d’un plafond par victime, en rupture en effet avec le principe du droit français au titre duquel c’est l’intégralité du dit préjudice qui mérite considération.
La diabolisation de la responsabilité civile ne peut que s’avérer vaine car les règles de provisionnement, de mutualisation et de dispersion des risques prouvent au quotidien leur efficacité.
Il n’en faut pas moins réfléchir à une nouvelle appréhension eu égard à l’irruption continue des nouvelles technologies et l’entrée dans des champs d’investigation jusqu’ici inconnus ou presque. Adapter le droit, traquer le risque afin de mieux le comprendre pour mieux l’anticiper, donc le maintenir autant que possible sous contrôle, la tâche s’avère ardue mais son accomplissement impératif.
Source :
La Médicale, La Newsletter – Informations professionnelles
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